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24 mars 2018

Câline, jeune labrador bientôt en poste auprès d'un enfant autiste

NB cet article se trouve également dans mon noveau blog : S'il te plaît, dessine-moi un chien d'accompagnement pour autiste

Mes bien chères sœurs, mes bien chers frères,

En ouvrant son blog, mon humaine vous avait raconté qu'elle n'était pas seulement déficiente visuelle, mais qu'elle a en plus, tapie tout au fond d'elle, une deuxième particularité, invisible pour les non connaisseurs : un syndrome d'Asperger.1 Tout ça pour vous dire que je ne me contente pas d'être sa ferrai noire à la truffe supersonique qui la guide par monts et par vaux : j'ai une mission secrète bien plus subtile : je suis une autodidacte de l'accompagnement d'une aspie2 ! Je suis multitask, moi, foi de Yuka !

Toutes les deux, nous sommes inséparables. Fusionnelles dirait David. Ma joie est contagieuse,  ma seule présence fait des merveilles sur elle. Les gens que nous croisent m'admirent, et mamTalaria adore expliquer le travail que je fais avec elle aux gens curieux qui posent des questions sur les chiens-guides. Autant, comme tout aspie qui se respecte, elle n'est pas très à l'aise avec le smalltalkparce qu'elle ne sait pas toujours comment nourrir naturellement ce genre de conversation, autant elle adore échanger sur un sujet qui la passionne avec des interlocuteurs intéressés. Aussi, je vous laisse imaginer que dès qu'il s'agit de parler de moi, personne n'arrive à l'arrêter ! Et que je lui ai changé la vie, et que je suis la meilleure, et que je suis celle qui court le plus vite au parca, et que j'apprends plus vite que mon ombre, et blablabli et blablabla... Les DV disent souvent que nous, leur chien-guide, permettons de briser la glace car la canne blanche intimide. Pour ma Talaria, c'est peut-être un peu plus fort, ça facilite grandement ses contacts sociaux ! 

Peu après que je suis arrivée chez mamTalaria,  l'une de ses amies lui a dit que son fils – un ado aspie –, lui avait demandé si l'école de Yuka ne formait pas aussi des chiens pour les autistes. Talaria a été très touchée de cette question. Elle aurait tellement aimé que son amie puisse répondre oui à son fils !

Mon humaine avait lu, dans le magazine de mon école, le portrait du premier ado qui a reçu un chien-guide à 14 ans (cliquer) et combien ça lui a permis de s'ouvrir, de se faire de amis. Elle s'est mise à repenser à son adolescence épouvantable et s'imaginer avec un ange à pattes qui l'accompagne partout à l'école puis au gymnase. Son intégration sociale aurait sans aucun doute été nettement meilleure !

Pour beaucoup d'autistes – et plus peut-être ceux sexe féminin – les animaux sont un intérêt spécifique4: c'est le cas de beaucoup de mes amies. Pour nous, la communication avec les animaux est simplifiée : les animaux n'utilisent pas les sous-entendus, ils ne jugent pas, bref c'est le bonheur de communiquer avec un animal. 

Former des chiens d'accompagnement pour ado et adulte autiste est déjà dans les mœurs aux States et au Québec, mais il y a rien de tel en Suisse. 

L'été passé, elle a contacté la section «chien d'accompagnement pour enfants autistes» de l'école de chien-guide d'Allschwil pour savoir s'ils seraient susceptibles d'en remettre un à un ado ou un adulte. Il était convenu qu'elle irait les voir et leur parler de son expérience d'adulte autiste. Puis le temps passé, voilà qu'une de ses amies orthophoniste lui a demandé si elle pouvait transmettre ses coordonnées à une ancienne patiente, devenue adulte, qui vient d'être diagnostiquée autiste et qui rêve de recevoir un chien qui puisse l'accompagner partout. MamTalaria a repris contact avec Allschwil (cliquer) pour savoir si elle pouvait venir avec la jeune femme en question. Célia Schwank, qui parle le français, lui a envoyé un gentil mail lui disant que justement le samedi 3 mars, elle serait à l'école lors des portes ouvertes. Elle lui proposait de venir. 


C'est ainsi que MamTalaria, Loha, David et moi sommes allés à Allschwil. C'est de notre visite dont il va s'agir ici. 

Célia Schwank et Talaria de part et d'autre d'une statue de labrador noir équipé d'un harnais spécifique pour l'accompagnement d'enfants autistes. Il porte les couleurs de l'autisme, le bleu. À coté de lui, une statue d'enfant qui porte une sangle autour de la taille, sangle qui le relie au harnais du chien. La laisse tenue normalement par le père ou la mère de l'enfant, repose à côté du chien.  

La visite a commencé par le visionnage d'un film où on présente la destinée différente de 4 frères, des labradors retrievers noirs comme moi, qui sont nés dans l'école. Chacun des 4 frérots a un tempérament différent et une destinée différente. Celui qui est capable de pendre des initiatives est devenu chien-guide comme moi, puisque c'est justement ce que l'on nous demande : savoir improviser si un obstacle soudain se dresse sur un trajet. Un des frères est devenu chien d'assistance pour une personne en chaise roulante. Un est devenue chien à but social, il va, avec son détenteur, visiter des homes pour personnes âgées, des enfants handicapés, etc. Et le dernier frère, le plus calme, le moins exigeant, est devenu chien d'accompagnement pour enfant autiste. Autant nous, les chiens-guides, devons précéder notre maître qui nous suit, autant le chien d'un enfant autiste doit être calme, posé et attendre les ordres. 

Photo des 4 chiens en question qui fixent l'objectif (on leur montre des croquetta ? Humour yukalinesque 😋). Chacun a sa tenue de travail, dont les couleurs sont bleu, jaune et blanc. Celui de gauche est assis avec son harnais de chien-guide. Couché à coté, le frère à but social porte un bandana triangulaire. Celui qui va accompagner un enfant autiste a le harnais-chabraque dont je décrirais plus loin le fonctionnement. Finalement, le chien d'assistance pour personne avec handicap moteur est assis comme son frère guide avec sa chabraque. Pour vous rendre sur leur site, c'est ici.
Puis Célia les a emmené visiter un peu l'école pendant que je piquais un roupillon au secrétariat, dans un posto confortable (un panier) dans lequel Talaria a mis mon posto mobile. Il fallait éviter que je dérange les copains étudiants. 

Les 3 humains ont vu une mère avec 6 chiots de 6 semaines. Ma Talaria crevait d'envie d'un porter un mais ils étaient tout fatigués, ils dormaient, elle n'a pas voulu les déranger.

Ensuite un groupe de copains est arrivé, ils s'amusaient ensemble et Célia a pris Câline qui est en fin de formation. Bientôt, elle accompagnera de tout son amour un enfant autiste. Mon humaine dit qu'elle me ressemble : une labrador noire, petit gabarit,  comme moi. 

Collage de deux photos : Célia enfile le harnais/chabraque à Câline. Sur fond bleu foncé, il y a le logo : trois pièces de puzzle montées ensemble (c'est typique pour représenter l'autisme) celles des extrémités sont grises, celle du centre est bleue, contient une empreinte de chien blanche (voir le logo agrandi au-dessous). Il y a de chaque côté une poche avec fermeture éclaire pour mettre un petit jouet de l'enfant, comme une roue. C'est écrit : «Autismus Begleithund in Ausbildung (chien d'accompagnement pour autisme en formation).

Célia a enfilé le harnais et dès que cela a été fait, Câline s'est mise en mode travail. Elle restait imperturbable et attendait les ordres. 

Dans la statue, j'ai dit que l'enfant porte une sangle autour de la taille qui est relié au harnais-chabraque de son chien (un harnais souple, qui passe entre les pattes avant, fait le tour de l'abdomen du chien sur lequel il y a une chabraque que j'ai décrite). L'enfant peut tenir une poignée, avec une sorte de mousse. Mon collègue d'accompagnement ne bouge pas aussi longtemps que le parent de l'enfant, qui tient la laisse, ne lui donne pas d'ordre. C'est à l'adulte que mes potes obéissent. Ils sont comme les garde du corps de l'enfant autiste qu'ils accompagnent. Ils n'avancent que lorsque l'adulte dit «vai», comme pour nous. En effet, l'italien simplifié est la langue utilisée dans toute la Suisse, elle l'a été pour la première fois en 1972, par le créateur de l'école d'Allschwil qui a été la première école de chien-guide en Suisse. 

À quoi sert ce dispositif ? 

Imaginez des parents qui se déplacent avec un enfant qui n'a aucune notion du danger, qui veut courir, et qui veut sans cesse lâcher la main du parent qui est avec lui. Toute l'énergie du parent est centrée sur les ordres qu'il doit donner de manière répétitive à l'enfant de rester là, de donner la main, etc. Avec son chien, l'entant pourrait vouloir filer sur la route, mais il n'y arrivera pas, il restera fixé par la sangle à son ange à 4 pattes qui restera tranquille et continuera de cheminer, tenu en laisse par l'adulte. (À la différence du chien-guide qui a appris se déplacer à la gauche de son maître, le chien d'accompagnement apprend être tenu alternativement à gauche et à droite de l'adulte.  L'important dans ce cas de figure, est de permettre à l'enfant de ne jamais être du côté de la route, pour sa sécurité). 

L'attention de l'adulte sera centrée sur des aspects positifs de la tâche en cours (la promenade, prendre le bus, aller dans un magasin, etc.) et du coup, l'enfant n'entendra pas constamment les mêmes consignes. Cela épargne bien du stress, de la tension au profit de communication détendue où chacun peut profiter du temps présent. L'enfant a un contact sécurisant, un allié bienveillant, qui l'accepte comme il est, ne le juge jamais. Cela lui offre une ouverture au monde. 

J'ai été incroyablement touchée par la douceur de Câline qui mérite bien son nom. Sa façon de regarder Céline, d'attendre ses ordres, de vouloir lui faire plaisir. Les familles qui peuvent compter sur la présence d'un collègue pour accompagner leur enfant autiste ont une chance incroyable ! 

Cette formation est toute récente, elle n'a débuté qu'en 2012 sous l'égide de Peter Kaufmann (cliquer). Mais elle est victime de son succès : 30 familles attendent un chien et ils ne sont que 3 formateurs, qui ont tous deux chiens en même temps. La formation dure 6 mois. 

Mon humaine tient à remercier chaleureusement  Célia pour son accueil. Les humains que j'ai accompagnés ont eu énormément de plaisir ! 



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1
NB : en fait, si c'est le diagnostic que j'ai reçu en 2014, ce terme est aujourd'hui obsolète. Il a disparu de la nomenclature médicale au profit de son terme générique : un TSA = un Trouble du Spectre de l'Autisme).
2NB : c'est le surnom que les autistes de type Asperger utilisent pour parler d'eux-mêmes. 
3le fait de parler de tout et n'importe quoi pour établir un contact, par exemple «il faut beau aujourd'hui», etc. 
4Pour une définition de l'IS, je vous renvoie sur l'article d'une amie aspie : cliquer ici

Yuka & Talaria 💞 Merci de votre visite. N'hésitez pas à liker, à partager, à commenter. Votre avis m'intéresse ! À bientôt pour des prochaines aventures 🐾👣

2 commentaires:

  1. Merci beaucoup Dionysia de nous avoir fait partager cette belle expérience. Vraiment très intéressant.

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